par Franck Confino
Attention ! Comme il l'écrit lui-même : des idées,
il en a plein la tête... Le directeur de la communi-
cation du Conseil général de l'Yonne et non moins célèbre éditorialiste de la Lettre du Cadre territorial nous fait partager, dans le blog qu'il a ouvert depuis le mois de février, ses réflexions sur le monde et sa vision des territoires. Rencontre avec un expert ès
« bonnes idées pour collectivités », un boulimique
de travail, un passionné.
La photo sur son blog donne le ton : l'interlocuteur est invité à s'asseoir côté passager pour une conversation informelle. Le temps d'un voyage, Fabrice Jobard nous livre ses « réflexions sur le monde et ses habitants ». On aime autant les espérances (du jour) que les atermoiements (du soir) de ce super manager parfois perçu comme un saltimbanque par ses collègues de l'administration. On aime ses coups de gueule, comme celui qu'il pousse contre les journalistes : « Ce sont les Parisiens qui débarquent comme des cow-boys. Ils ne connaissent pas du tout la région et viennent en fait pour valider leurs présupposés. »
Ces journalistes des rédactions nationales, Fabrice Jobard les connaît bien. A la tête, durant six ans, de la direction de la communication de La Baule, station balnéaire sans problème, Fabrice nous dit avoir « réellement appris le métier de dircom en trois à quatre mois, au moment de la crise de l'Erika ».
Extrait n°1
« On est toujours avant, pendant et après une crise. Tant qu'on n'a pas compris ça, on n'a pas compris le métier. Il faut toujours faire entre sorte d'être prêt pour l'éviter et notre travail, c'est de créer des réseaux, d'être prêt à communiquer parce qu'on a établi une relation de confiance avec la population. La communication de crise n'existe pas puisque la communication naît de l'éventualité d'une crise. Dans une carrière de dircom public, il y a toujours un moment où ça n'ira pas. Mais il ne faut pas le vivre comme une crise : c'est la normalité. »
Extrait n°2
Cette envie de raconter avec honnêteté le monde qui l'entoure, Fabrice Jobard la connaît depuis le collège, dont il faisait déjà le journal. Depuis, il l'entretient grâce à des rencontres et à son insatiable curiosité. Comme l'écrit Pol Vandromme: « L'essentiel se sait d'instinct depuis toujours, et le voici : le journalisme, c'est l'humeur, l'air salubre du temps, le clin d'oeil, le coup de sonde, le défi, l'enthousiasme et le dégoût, le rire qui soulage, le trait qui venge, le mot que l'on accroche comme une casserole à la queue des chiens domestiqués, le sel, le poivre, le feu, les flammes, la conviction et le dandysme, la désinvolture d'un art seigneurial et l'humilité sans didactisme d'un art populaire ». Alors Fabrice, frappez moins fort sur les journalistes car indéniablement vous en avez l'âme !
Après le bac, le jeune Fabrice passe d’abord par l’IEP de Grenoble puis par l’Institut Français de Presse à la faculté d’Assas, avant d’intégrer le premier DESS consacré à la communication, politique et animation locales de Paris I. Son mémoire porte alors sur les enjeux de la communication territoriale et politique de Charles Millon, à l’époque président du Conseil général de Rhône-Alpes. La vocation s’affirme. Après avoir enchaîné de nombreux stages, il fait son service militaire dans la coopération au Sénégal comme chargé de communication du Centre culturel français. « Puis on est rentré ma femme et moi pendant les grandes grèves de 1995 post Juppé, un premier novembre avec un temps de chien et toute la France bloquée. Là, on s'est dit 'Bien... et maintenant il faut qu'on trouve du travail !' »
Un pari loin d'être gagné après deux longues années de déconnexion totale sous des soleils lointains et un retour sans la moindre piste en vue... « J'ai pris un vieux Figaro sur lequel il y avait le résultat des municipales, j'ai envoyé quelques CV, passé quelques coups de fil et puis j'ai parcouru la France en train, en auto-stop et même à pieds ! Là j'ai décroché très rapidement un premier poste de dircom à La Baule, en janvier 1996. J'avais 25 ans, c'était fantastique ».
Fabrice Jobard y restera donc six ans. Les premières années lui permettent de faire le tour de la "non-problématique" territoriale de cette charmante station balnéaire... jusqu'à ce que survienne la grande marée noire de décembre 19991. « J'ai vécu de grands moments de communication. Nous étions dans une situation paradoxale où tous les moyens d'Etat avaient été déployés en Sud Loire... là où avait gueulé plus fort que les autres un certain de Villiers. Or, via des experts en courants marins, nous savions pertinemment que le polluant arriverait vite au Nord de la Loire. Si vous connaissez la baie, c'est en fait aussi logique que lorsqu'on souffle sur une bougie. »
Sans bénéficier des moyens d'Etat, le maire demande alors à tous les fonctionnaires territoriaux de suspendre leurs vacances du passage à l'an 2000 pour monter un PC de crise. « On l'a monté avec les pompiers du coin, raconte Fabrice. On a réquisitionné mon bureau, le bureau du maire adjoint, la salle de réunion, monté les ordinateurs et on a attendu. » Et la veille de Noël, le polluant est arrivé.
« On s'est alors trouvé face à une situation très étonnante. Pendant plus d'une semaine, il a fallu gérer la crise sans aucun moyen d'Etat, coordonner les bénévoles qui affluaient mais aussi les médias. Une expérience fondatrice où l'on se rend compte que la communication, ce n'est pas juste les petits fours, les plantes vertes et puis vaguement un peu d'information citoyenne. On est au premier poste sur le front médiatique... d'autant plus important pour une commune comme La Baule, qui vit de son image. »
On comprend mieux le jugement de Fabrice à l'égard de certains « moutons de journalistes » (sic), à qui ce berger n'a d'ailleurs pas hésité à lancer quelques pommes en montant un réseau informel d'une quinzaine de « gueules » locales dont étaient friands quelques JRI en mal de sujets. Il se souvient notamment du président de l'association des commerçants dont les médias adoraient la « bonne tête de capitaine Haddock » et le « discours vrai » !
Extrait n°3
Directeur de la communication de La Baule à 25 ans, de celle du Conseil général de l'Yonne à 30 ans : parcours brillant pour celui qui rejoint en 2001 le Président et Sénateur Henri de Raincourt, un élu qui a la culture de l'événementiel. C'est sous son mandat que Fabrice Jobard développe le très médiatique Festival International de Musique et Cinéma réunissant chaque année quelque 4000 personnes. Après y avoir reçu Eric Serra et son orchestre ou encore Les Choristes, il place la barre de plus en plus haut et tente cette année de faire déplacer Ennio Morricone et son orchestre Symphonitta Roma !
Ses métiers – car il est également formateur au CNFPT - l’épanouissent : il vient notamment de passer deux ans à la refonte complète du site du Conseil Général. Ses idées, il les renouvelle sans cesse pour varier les thèmes de son édito de la Lettre du Cadre Territorial, au risque de voir inonder sa boîte aux lettres de journaux municipaux…. Mais pour Fabrice Jobard, il faut que ça bouge sans cesse. Se voyant mal dans un costume de dircom quadra ou quinqua (et puis « les maires préfèrent engager des jeunes »), il pense déjà à l’avenir. Et y penser, c’est déjà le préparer.
Mieux que dans le marc de café, c’est dans son blog qu’on pourrait lire les « traces » d’un avenir, finalement peut-être déjà plus tracé qu’il ne croit
lui-même…
1 Le pétrolier maltais Erika s'est échoué en pleine tempête le
12 décembre 1999, au sud-ouest de Penmarc'h (Finistère).
En sombrant jusque 120 m de fond, les épaves du pétrolier
ont lâché plus de 10 000 tonnes de fioul. Après plusieurs jours
de dérive, les nappes ont souillé le littoral, du Sud-Finistère
à la Charente-Maritime.